Vostok, par Laurent Kloetzer

Valparaiso, dans un futur proche. La jeune Leonora, que tout le monde appelle Leo, mène une bande de gamins des rues dans tous les coups qui permettent de se faire un peu d'argent. Ainsi n'hésite-t-elle pas à embarquer certains d'entre eux sur un cargo échoué, en pleine nuit. Mais Leo est avant tout la soeur de Juan, un petit caïd local du Cartel, aussi charismatique qu'impulsif. Elle est un peu comme son porte-bonheur. Mais Juan a commis une grosse bévue : il vient de tuer une scientifique en lien avec les Andins, l'organisation rivale du Cartel. S'il veut se racheter auprès de ce dernier, il doit suivre son intuition. Celle-ci le mène jusqu'en Antarctique. Jusqu'à Vostok...


illustration d'Aurélien Police
À l'instar de Anamnèse de Lady Star, roman écrit par Laure et Laurent Kloetzer sous le pseudonyme (j'ai découvert le néologisme symbionyme quelque part à leur propos) de L.L. Kloetzer et qui partage le même univers, Vostok m'a laissé une impression partagée en le reposant. Mais n'anticipons pas trop.

J'avoue que même si j'ai été surpris de ne pas être directement plongé dans les rigueurs glacées de l'Antarctique, cela n'a pas été pour moi une déception. Bien au contraire. Comme on le verra vite, le continent le plus extrême de notre planète est ici un personnage à part entière, et pas des plus accueillant avec ça. Mais avant d'y être confronté, il est important pour le lecteur d'apprendre à mieux connaître Leo dans son quotidien. De comprendre à quel point cette jeune fille a un caractère fort malgré son jeune âge. De découvrir les liens très puissants qui l'unissent à son frère aîné, l'emprise de celui-ci sur elle. D'appréhender les différents personnages secondaires qui gravitent autour de Juan et, par extension, de sa soeur. Cent pages ne sont pas de trop pour bien poser l'univers dans lequel tout ce petit monde évolue. Si l'auteur emploie quelques tournures de phrases inutilement compliquées, rendant la lecture assez désagréable dans cette première partie (des tics qui s'estompent ensuite avant de complètement disparaître), l'écriture est magnifique. Comme à chaque fois avec Laurent Kloetzer, seul (on en reparlera une autre fois, promis) ou en duo.

Malgré les toutes petites réserves sur le style évoquées plus haut, je me suis régalé avec la forme de cette première partie (et des suivantes). En revanche, il y a un point du fond sur lequel mon esprit a eu beaucoup de mal à passer. En effet, j'ai trouvé la raison du départ de la petite bande jusqu'à Vostok vraiment trop dérisoire pour qu'elle soit crédible. Je laisserai le lecteur de ces lignes le découvrir par lui-même et se faire sa propre opinion, mais pour moi ça a été un point de blocage qui, par la suite, m'a presque empêcher d'apprécier ce roman à sa juste valeur. J'ai bien dit presque...

Heureusement, les trois autres parties qui se passent sur la base russe qui donne son nom à ce roman évacuent amplement ce petit détail de manière magistrale. Si la première partie était une introduction nécessaire, Laurent Kloetzer plonge ensuite son lecteur dans un monde où le froid n'est pas une vue de l'esprit. Par maints détails hyper-réalistes, l'auteur sait à la perfection faire ressentir l'air glacé qui brûle les poumons, les engelures, les prises de risque fatales. Kloetzer n'a pas son pareil pour nous placer au plus prêt de l'action, des personnages qui luttent, entre eux et contre le froid. On frissonne et c'est bon, parce que le voyage promis est réussi. Cependant, en refermant le bouquin je n'ai pu m'empêcher de me dire : "Tout ça pour ça ?" À mon goût tout à fait personnel, j'ai trouvé le voyage magnifique, mais peut-être un peu vain. Il me manquait sûrement une petite touche de sense of wonder, une intrigue un peu plus poussée ou que sais-je encore? J'ai bien sûr conscience qu'on ne peut pas plaire à tout le monde. 

Un coup de chapeau à Gilles Dumay, grand découvreur de talents francophones s'il en est, qui, par le biais de la collection Lunes d'encre, a su rester fidèle à Laurent Kloetzer. Après Le Royaume blessé, CLEER, une fantasy corporate et Anamnèse de Lady Star, nul doute que ce Vostok fera date. 

A signaler la très belle couverture signée Aurélien Police, qui a dû s'inspirer d'une des images de la vraie base russe Vostok.



Vostok - Denoël - collection Lunes d'encre - 432 pages - 21,50€ - D.L. : mars 2016

note : III

A.C. de Haenne

Cette chronique est ma troisième participation au challenge Lunes d'encre :


Commentaires

  1. J'ai prévu de le lire, et j'avais lu que des retours super positifs. Cela fait du bien d'avoir un avis légèrement mitigé. Paradoxalement, cela me donne bien envie de le lire, car cet univers glacial m'interpelle. Les bémols que tu soulignes, je les garde sous le coude, car j'aborderai ma lecture sachant qu'il n'est pas parfait, mais qu'il y a du bon.
    Merci!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cela me semble important de souligner les petits bémols, en effet. Mais je suis content qu'ils ne t'empêchent pas de te plonger dans ce bouquin, qui le mérite amplement, malgré tout. On pourra comparer nos ressentis.

      A.C.

      Supprimer
  2. C'est vrai que la couv est belle et ça change de ce que produit actuellement Aurélien Police.

    Pour le roman, ton avis me refroidi quelque peu... Mais je garde la programmation de cette lecture pour me forger mon opinion.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je pense qu'il est très important que chacun se fasse sa propre opinion, en effet. Et ma note globale (III/IV) montre tout de même que, malgré mes réserves, c'est un très bon roman. Chez moi, la dithyrambe est rare...

      A.C.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire